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Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale ( France ) - www.aassdn.org -  
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PAGES D'HISTOIRE & " Sacrée vérité " - (sommaire)
LA MOBILISATION DES SERVICES SPÉCIAUX MILITAIRES
 

par le Colonel Paul PAILLOLE

Depuis le 9 juin 1939, nous savions par un message spécial de " Notre agent chez Hitler (1) " que la fin août serait décisive.

La volonté du Führer d'attaquer la Pologne, en plein accord avec l'U.R.S.S., était inébranlable.

Son plan démoniaque, exposé en secret à la Chancellerie du Reich le 5 novembre 1937 et révélé dès le lendemain à nos Services par H.T. Schmidt, se développait. Implacable.

Le 29 septembre 1938, à Münich, en prétendant sauver la paix par le sacrifice de la Tchécoslovaquie leur alliée, Français et Anglais avaient en réalité offert à l'Allemagne le délai supplémentaire indispensable pour parfaire une puissance jugée en 1938 insuffisante par le Grand État-major de la Wehrmacht.

Le rythme effréné de l'effort d'armement du IIIème Reich, supérieur à celui de la France, allait lui donner un an plus tard une supériorité que notre S.R., angoissé, ne cessait de dénoncer.

 

Le matin du 1er septembre 1939 à 5 h 30, la Wehrmacht envahissait la Pologne.

Quelques heures plus tard, sur la foi de nos renseignements, le Colonel Gauche, Chef du 2ème Bureau de l'E.M.A. exposait une fois de plus au Commandement la précarité de la situation militaire de la France face à ses engagements politiques à l'Est et à son adversaire.

… " Je conclus, écrit Gauche dans ses mémoires, que l'Armée française ne pouvait sur aucun point se prévaloir d'une supériorité, si faible qu'elle fût.

… " Jamais, à aucune période de son Histoire, la France ne s'est engagée dans une guerre dans des conditions initiales aussi défavorables "...

 

Le 3 septembre 1939, à 15 heures, suivant l'exemple de la Grande-Bretagne, nous déclarions la guerre à l'Allemagne.

Depuis le 2 septembre 1939, l'Ordre de Mobilisation Générale était affiché dans toute la France.

 

Alertés le 9 juin 1939 par H.T. Schmidt, nos Services avaient déjà engagé le processus qui devait les mettre sur pied de guerre avant la fin août 1939.

Une grande partie du Service Central (S.R. et C.E.), avec le gros des archives, s'était progressivement transportée au Château Péreire (P.C. Victor) près de Gretz, non loin de la Ferté sous Jouarre futur P.C. du Général Georges, Commandant en Chef du Théâtre des Opérations du Nord-Est.

Le Colonel Malraison, adjoint du Colonel Rivet, Chef de nos Services, présidait à cette installation.

A quelques kilomètres de là, le Commandant Gustave Bertrand s'installait au Château de Vignolles (P.C. Bruno) avec ses équipes et son matériel de décryptement dont la reproduction réalisée in extremis de la fameuse machine à chiffrer allemande ENIGMA.

Le Colonel Rivet, en contact permanent avec le Commandement de nos postes intérieurs et extérieurs, avait maintenu à Paris, 2 bis, avenue de Tourville, nos Services administratifs et techniques ainsi que les États-majors des Sections de Renseignements (2)  et de Contre-espionnage  (3).

Un abri bétonné, achevé en juin 1939 avait été construit dans la cour de l'immeuble.

Nos Postes, alertés dans les mêmes conditions, se préparaient à la Guerre.

Convaincu de l'inéluctabilité du conflit et de l'ouverture d'un front d'opérations à la frontière franco-allemande, le Colonel Rivet avait prévu le repli partiel du Poste de Metz (B.R.E.M.) sur Paris et son éclatement au profit des Postes d'ailes : Lille et Belfort. Ces derniers devaient assurer la continuité de la recherche sur l'Allemagne en utilisant les pays neutres spécialement la Belgique, la Hollande, le Luxembourg et la Suisse.

 

L'exécution de l'ordre général de mobilisation vit affluer à partir du 3 septembre 1939 un complément de réservistes dont la plupart avaient déjà été formés à leurs nouvelles fonctions.

Les Sections du Service Central à Paris furent ainsi renforcées par un personnel de qualité. Ce fut le cas à S.C.R. où de hauts fonctionnaires du Ministère de l'Intérieur, tels les Préfets Périer de Férel et Cazeaux vinrent mettre leurs compétences à la disposition de nos Services chargés par la loi sur l'État de siège des pouvoirs de police et de la responsabilité intérieure et extérieure de la lutte contre l'espionnage.

A Lille, le B.E.N.E. du Commandant Darbou devenu le C.L.F. (4),  reçut entre autres renforts ceux du Capitaine Lafont (futur Verneuil du T.R.) et d'Auguste Scheider, transfuges du Poste de Metz dont les antennes de Longwy, Forbach, Thionville et Luxembourg lui furent rattachés.

La Section de C.E. du Poste de Lille, dirigée par le Capitaine Émile Bertrand, vit son efficacité accrue avec l'arrivée de réservistes tels le Colonel Robert-Dumas et le Lieutenant Émile Rigaud.

 

Bien que gêné par la politique belge de neutralité, le C.L.F. (Centre de Liaison Français) sut se ménager des concours précieux chez nos voisins. Le Capitaine Bernier, détaché à Liège, eut la redoutable mission de surveiller les au-delà de la frontière germano-belge. On sait la qualité de son travail en profondeur et la part essentielle qu'il prit dans la connaissance de l'Ordre de bataille de la Wehrmacht sur le front ouest et du déclenchement de l'offensive de mai 1940.

A Belfort, le Poste du Commandant Lombart, installé désormais au Château Sevenans, reçut pour son antenne d'Annemasse le concours du Capitaine Farines venu de Metz. Le Commandant Pourchot s'implantait à Berne comme Attaché Militaire adjoint.

Les événements allaient donner à cette antenne de notre Maison et grâce à l'exceptionnelle compétence de son Chef et de son équipe, une importance décisive dans la recherche du Renseignement sur l'Allemagne et ce de 1940 à 1945 avec un rendement sans cesse accru.

 

A Paris le BREM devenu BREP sous les ordres du Lieutenant-Colonel du Crest de Villeneuve avec le Capitaine Simoneau comme adjoint, prit à son compte l'exploitation des possibilités d'investigation en Allemagne offertes par la région parisienne, notamment dans les domaines économiques et scientifiques.

La Section de Contre-espionnage du BREP, magistralement dirigée par Doudot et Klein, avec Herrmann et Abtey, allait poursuivre son étonnante moisson de succès sur l'Abwehr.

Les autres Postes métropolitains et d'A.F.N., moins concernés par cette première partie du conflit, avaient également renforcé leurs possibilités d'investigations en profondeur.

Ainsi Marseille avec le Lieutenant-Colonel Barbaro (antenne à Annemasse et à Nice avec le Capitaine Gallizia).

Toulouse avec le Capitaine Lulle-Desjardins (antennes à Perpignan et Bayonne).

Alger avec le Commandant Delor,

et Tunis avec le Commandant Niel.

 

Ce résumé de la situation de notre Maison à la mobilisation mérite d'être complété par l'énoncé de quelques mesures imposées par l'état de guerre et la sécurité de notre Pays. C'est en premier lieu la mise en place dans toutes les Régions militaires d'une organisation apte à assurer les missions imparties à l'Autorité Militaire par la loi sur l'État de Siège.

 

Les Bureaux de Centralisation de Renseignements (B.C.R.) créés de toutes pièces à la veille du Deuxième Conflit mondial, purent généralement, sous l'impulsion de nos Services parisiens, s'acquitter correctement de leur tâche grâce, en particulier, aux personnalités de premier plan mises à leur tête. Ainsi le Commandant Cassagnau, Chef du B.C.R. de Lille, futur Procureur Général de la Cour de Riom, ainsi le Commandant Gérar-Dubot, Chef du B.C.R. d'Amiens dont nul n'ignore le rôle éminent qu'il allait jouer dans nos Services.

 

C'est ensuite la mise sur pied du Service des Contrôles techniques sous la direction du Général Jouart. Il avait la charge, le plus souvent au bénéfice de S.C.R., des contrôles postal, téléphonique, télégraphique et de la Censure.

 

On se souviendra enfin, que le Service de Surveillance du Territoire dirigé par le Contrôleur Général Castaing, avait opportunément mis en place depuis 1938 des brigades territoriales dans les régions frontalières et en Algérie. Sous les ordres de Commissaires jeunes, dynamiques et compétents, ces Brigades en liaison permanente et confiante avec nos Services de C.E., faisaient preuve d'une rare efficacité dans la lutte contre l'espion­nage et le sabotage.

 

Que conclure ?

Au moment où se déclenche ce Deuxième Conflit mondial, le jugement que l'on peut porter sur les Services spéciaux français présente des aspects contradictoires.

Efficaces dans le domaine de la recherche, on sait maintenant qu'ils ne furent pas entendus comme l'intérêt de notre Défense l'exigeait.

Efficaces dans le domaine du Contre-espionnage (5), ils furent impuissants a juguler la propagande allemande et à neutraliser ses effets nocifs sur le moral du pays et des Armées.

On notera l'improvisation de certaines mesures de défense, telles l'organisation des B.C.R. et des contrôles techniques, l'absence de quelques autres, telles la Sûreté aux Armées ou, plus grave encore, l'inexistence de procédés mécanique de chiffrement comparable à la machine allemande ENIGMA, présente à des dizaines de milliers d'exemplaires dans tous les grands Services et dans toutes les grandes Unités de la Wehrmacht.

En captant et déchiffrant sans aucune difficulté les messages de nos Armées et du Commandement, l'ennemi, par la voix de Ferdonnet à la radio de Stuttgart a pu, pendant la " drôle de guerre " mystifier nos troupes, tromper nos populations et achever de saper le moral des Français.

 

Mais il y a pire...

A l'évidence, cette guerre fut engagée sans conviction, avec un pourcentage de risques d'échec que les multiples rapports du S.R. et les conclusions du 2èmè Bureau faisaient apparaître considérable.

Et pourtant, force est de constater que Rien n'avait été prévu pour faire face aux conséquences d'une possible défaite et de l'occupation du Territoire.

Terrible constatation. Elle implique l'écrasante responsabilité de ceux - civils et militaires - qui assumèrent le pouvoir à partir de l'avènement de Hitler.

Est-il sûr que les leçons de ce passé, si vivant dans nos mémoires, ont été comprises et retenues ?

 

(1) Hans Thilo Schmidt alias H.E. : Voir " Notre espion chez Hitler " par Paul Paillole, Editions Robert Laffont

(2) Chef Cdt Perruche avec le Cdt Navarre à la Section allemande.

(3) Chef Cdt Schlesser avec le Capitaine Paillole comme adjoint.

(4) Section de Centralisation des Renseignements (C.E.).

(5) Le témoignage du Général allemand Liss, Chef du 2 ème Bureau Ouest de la Wehrmacht, est très net : "  La concentration des armées alliées s’est faite pour nous, faute d’informations, dans une mer de nuages… "

 

 

 

 
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Article paru dans le Bulletin N° 143

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