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Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale ( France ) - www.aassdn.org -  
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PAGES D'HISTOIRE & " Sacrée vérité " - (sommaire)
«LES SERVICES SPÉCIAUX FRANÇAIS » PENDANT LA PREMIERE GUERRE MONDIALE (1)
 

par le Colonel ALLEMAND

( Conférence faite le 18 mai 1985 à Compiègne )

Nous avons, tous, ou presque, assisté et même participé aux activités des Services Spéciaux français durant la Deuxième Guerre mondiale qui, d'ailleurs, n'ont pas été évoquées lors du récent colloque international tenu à PARIS sur « les armées françaises durant la Deuxième Guerre mondiale 1939-1945 ».

Parmi nous, peu nombreux, il est vrai, il y a ceux qui ont connu ces Services dans l'Entre-deux Guerres et qui ont su conserver et transmettre les traditions nobles et efficaces que leur ont légué les anciens de « la Grande Guerre ».

Grâce à eux et aux souvenirs que leur ont laissés ces anciens, je vais vous parler de nos Services pendant la Première Guerre mondiale, ce qu'ils furent, ce qu'ils firent.

 

Rappelons deux avis qui ont été émis à leur sujet :

* d'abord, celui du Commandant Ladoux (1), bien connu notamment par son livre « Les Chasseurs d'espions », par l'affaire MATA-HARI qu'il mena à son terme et par une de ses agentes, la célèbre Marthe Richard ; cet officier, dans ce livre, affirme : « La FRANCE, avant 1915, n'a jamais été protégée de l'espionnage ennemi. »

* d'autre part, l'opinion du chef des Services Spéciaux allemands à cette époque, le Colonel Nicolaï, qui, à l'orée de cette Première Guerre mondiale, à propos de la France, proclame : « Les secrets militaires importants qui nous intéressaient étaient fort bien gardés. » A noter qu'à peu près en même temps, toujours à propos de la France, il affirmait : « La trahison n'est pas chose rare en ce pays. »

Opinions d'apparence contradictoire et que nous allons confronter en étudiant successivement :

- le cadre juridique et historique ainsi que l'organisation de ces services ;

- leurs méthodes et leurs procédés ;

- leurs résultats et surtout grâce à qui.

 

LE CADRE HISTORIQUE ET JURIDIQUE. - L'ORGANISATION

Les notes conservées dans les archives des Services Spéciaux, notamment celles qui ont échappé à une incinération précipitée en septembre 1914, nous fournissent la preuve que le Service de Renseignements français a été vraiment créé à la fin de 1871 avec la mission principale de « renseigner le commandement français sur les troupes allemandes qui occupaient notre territoire ». Cette création est donc d'inspiration défensive,à l'égard des activités qui se dissimulaient sous la couverture pacifique des cantonnements allemands dans les provinces occupées, et, d'une manière générale, à l'égard des réseaux d'espionnage allemand fonctionnant en France.

Mais notre État-major avait été trop impressionné par les résultats obtenus par nos adversaires dans le domaine du renseignement pour différer plus longtemps la création d'un Service offensif, qui se propose de paralyser l'espionnage allemand en France. Ainsi, apparaît au début de 1872 :

- La Section du Service Secret de Renseignements, titre qui indique bien la mission « Sécurité et Renseignement ». est confiée au chef d'Escadrons Samuel. Il dispose de 7.000 F par mois et installe un poste de 1ère  ligne à Nancy. En 1873, il est remplacé par le Chef d'escadrons Campionnet.

 

Campionnet voit loin et, en 1884, impose au commandement la structure suivante :

- Un cerveau à Paris

- des postes aux frontières

Dans l'espace, il veut aller au-delà de ces frontières, Berlin, Dresde, Prague, Liège, Bâle, Turin ; par ailleurs, il entretient des corres­pondants à Vienne, Leipzig, Francfort, Mannheim, Cologne et Berlin.

Dans le temps, Campionnet se préoccupe de l'entrée en campagne de son Service, ceci en 1877 et d'autant plus qu'il s'est emparé de différents documents allemands, dont le plan de mobilisation ennemi de 1875.

En 1878 le Service va devenir le Service Spécial de Renseignements rattaché au chef d'E.M.G. de l'armée avec un crédit annuel de 186 000 F. Les Successeurs de Campionnet sont en 1880 le Colonel Grisot et à partir de 1885, le Colonel Vincent qui demande un budget d'un million.

En 1886, celui-ci est remplacé par le Commandant Sandherr, déjà en service. Nous le retrouverons dans l'affaire Dreyfus. Signalons qu'en 1894, l'organisation du renseignement aux frontières semble s'appuyer essentiellement sur le concours des États-majors des Corps d'Armée frontières. Il n'y a pas de véritables postes S.R.

 

En 1886, au moment de « l'Affaire », le Service se présente comme suit :

- Le Lieutenant-Colonel Picquart.

- Le chef de bataillon Henry;

- Le Capitaine de cavalerie Lauth ;

- Le Capitaine du génie Junck ;

- Le Capitaine Valdani ;

- M. Gibelin;

- M. Corsier, Adjudant de la 2em Section ;

- 2 Civils, MM. Marchand et Noth, ce dernier étant encore en service en 1919.

 

Cette composition quantitative durera toute la guerre 1914-1918. A la suite de la regrettable affaire Dreyfus, le Général Galifet ministre de la Guerre, particulièrement sollicité d'agir, d'insuffler un air plus salubre et et une discipline plus stricte dans « les coins infestés » de son département.

D'où les mesures, prises en accord avec le ministre de l'Intérieur, le 24 avril 1899 :

Le Service est rattaché directement au 2em Bureau de l'E.M.A. et ses attributions sont strictement limitées à la recherche du renseignement ; quant à la Sécurité générale du Ministère de l'intérieur, elle hérite de la totalité du C.E. et du recrutement des informateurs destinés à la recherche.

Appliquer ces mesures à la lettre eut signifié la ruine de vingt années d'efforts, qui devaient porter nos positions S.R. au coeur des secrets de la Triplice. En fait, il n'en fut rien quant à leur application, par exemple, l'interdiction des voyages à l'étranger pour les officiers ; ainsi, en 1911, le Capitaine Lux  se rendit à Friedrichshafen pour photographier le zeppelin. Il fut arrêté et s'évada de la forteresse de Graz. L'affaire fit grand bruit.

 

Jusqu'en 1904, l'activité de recherche reposera sur une sorte de délégation aux E.M. de régions avec le concours des Commissaires Spéciaux aux frontières. Cependant, en 1905, « la montée des périls » stimule le zèle de ces derniers et incite le commandement à réagir contre l'insuffisance de ses moyens S.R. ; une articulation se dessine alors :

- 1 organe directeur à l'E.M.A. comprenant 5 officiers dont 1 d'administration.

- 6 postes frontières         

Sur l'Allemagne : NANCY, REMIREMONT (remplacé par EPINAL),  BELFORT

Sur l'Autriche et l'Italie : CHAMBERY, BRIANCON, NICE

Pas de poste au nord de NANCY et pas d'exploration sur la BELGIQUE et LA HOLLANDE.

 

En 1912, on se déleste des « postes bâtards » EPINAL, CHAMBERY et BRIANÇON

et l'on a (contre l'ALLEMAGNE) MÉZIÈRES,  NANCY, BELFORT

(contre l'AUTRICHE et L'ITALIE) GRENOBLE, NICE

avec l'aide des attachés militaires et navals, essentiellement Faramond à Berlin, Dupont à Bruxelles.

 

Nous arrivons à 1914. Des efforts considérables sont faits vers l'étranger, neutres surtout :

- SUISSE, avec le Colonel Parchet et ses centres de Genève, Bâle et Zurich soutenus par la base arrière de Belfort et ses antennes d'Annemasse, Evian et Pontarlier.

- BELGIQUE avec Edith Cawell dont le réseau fut démantelé par les Allemands en 1915 ce qui aveugla en partie le S.R. français au moment de Verdun.

- HOLLANDE avec l'actif général Boulabeille et l'animateur remar­quable que fut le lieutenant Pierre Desgranges, alias Pierre Crozier.

- sans oublier le LUXEMBOURG avec le réseau Richard HANSEN.

 

Efforts aussi pour l'exploitation :

- du cheminement offert au Nord par les routes maritimes et terrestres jalonnées par les portes de Folkestone, Flessingue, La Haye, Maëstricht

- du cheminement Sud, en direction de l'Allemagne du Sud, du Tyrol et de l'Italie, contrôlé par le poste de Belfort.

 

Des imperfections se révèlent :

- Les postes frontières n'ayant pas été placés sous la dépendance directe de l'E.M.A. leurs officiers sont réclamés par les États-majors locaux ; d'où direction flottante et perturbations dans le système de recherches.

- L'invasion bouscule l'articulateur Nord et les postes de Mézières et de Nancy sont intégrés dans le S.R. des armées.

- Pas de poste d'aile gauche sur cette partie mouvante du front, sur laquelle le commandement est insuffisamment renseigné.

- Le poste d'aile droite, Belfort, se bat contre l'intégration dans les E.M. des armées et, grâce à l'énergie de son chef, le commandant Andlauer, surmontera ces difficultés.

- Le Service Central, déjà faiblement équipé, se scinde en 2 organismes centraux fruits de l'impréparation : l'un au G.Q.G., l'autre au Ministère de la Guerre, avec le Capitaine, puis le Commandant Ladoux. Ce dernier s'efforcera de mettre sur pied la recherche et aussi le C.E. revenu aux militaires en application de la loi du 2 août 1914 instaurant l'état de siège et celle du 5 août, relative aux indiscrétions de presse.

Ces 2 centrales n'ont pas d'attributions nettement définies.

 

En 1915, enfin, une organisation efficace apparaît surtout au point de vue C.E. grâce à l'obstination du Commandant Ladoux et l'appui du Général Valantin.

D'abord, à l'E.M.G.A. est créé un 5em Bureau chargé de traiter les questions de renseignement et de sécurité sur le théâtre des opérations.

 

Pour le reste du territoire, c'est-à-dire hors de la zone des armées, le Commandant Ladoux va organiser une vaste toile d'araignée dont le centre principal est à PARIS et dont les ramifications s'étendent à toutes les régions militaires ; réseau d'autant plus serré que l'on était plus près des frontières. Il comprenait :

 

- Le Service de renseignement ou S.R. (de 3 ordres, militaires, politiques et économiques) s'appuyant sur les postes créés en 1912 et réajustés à la situation, ainsi que sur ceux montés à l'étranger.

- La Section de centralisation des Renseignements ou S.C.R. chargée du C.E. installée au Ministère de la Guerre (E.M.A. 2em Bureau) ; cette section ayant pour mission de centraliser et de coordonner les efforts des Services annexes du C.E. et des Bureaux de centralisateur du Renseignement (B.C.R.) créés dans toutes les régions territoriales.

 

Les Services annexes comprennent :

- les bureaux de presse (censure des journaux);

- les commissions de contrôle télégraphique ;

- les commissions de contrôle postal ;

- les postes frontières chargés de la surveillance des individus et des objets entrant ou sortant de France;

- le Bureau Interallié dont la création fut décidée les 10 et 11 septembre 1915 et dont la garde des archives devait être confiée à la France.

 

N'oublions pas les Écoles, celle de Londres (interalliée) et celle de Dijon. Après plus d'un an de tâtonnements, les Services Spéciaux français pouvaient désormais lutter efficacement contre leurs homologues allemands d'autant plus qu'avaient été mis au point une doctrine et une technique.

 

(1) Chef du C.E. pendant la Première Guerre Mondiale.

 

 

 
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Article paru dans le Bulletin N° 127

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